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Philosophie
Sujets du Bac corrigés: Dissertation
Puis je faire confiance à mes sens?

Corrigé du Sujet 2 Serie L 1997

I - LES TERMES DU SUJET

Deux expressions importantes à analyser " les sens" : les sens sont les récépteurs par lesquels je reçois du monde et des autres des sensations.
Par eux, je noue les relations les plus primitives, les plus immédiates avec l'environnement.
"Puis-je" : de toute évidence, la question s'entend ici dans le sens :
Ai-je raison de ? Est-ce que je fais bien de ?
et non pas : Ai-je la capacité de ?


II - ANALYSE DU PROBLEME

Si l'on demande si l'on peut, à bon droit, se fier à ses sens, c'est que l'on doute d'abord de leur fiabilité.
De leur fiabilité à quoi, au juste ? A nous renseigner valablement sur le monde ; mais aussi, à nous faire bien agir.
Nous distinguerons par conséquent deux dimensions essentielles dans la question. La première est théorique : elle concerne la valeur des sens dans la tâche de connaître.
La seconde est pratique, ou morale :
Peut-on s'en remettre à ses sens quand il s'agit d'agir ? La bonne action est-elle celle qui est dictée par mon "coeur", ou par ma "raison" ?
Dans les deux aspects du problème, se trouve présupposée la dévalorisation des sens au profit de la raison. Il fallait interroger ce présupposé dans la problématique, et cela, dans les différents domaines où il existe.


III - LES GRANDES LIGNES

Le plan découle de la problématique. On s'interrogera d'abord sur la validité qu'il y a à se fier aux sens dans l'entreprise de connaissance. Une science est-elle possible par la sensation, ou est-elle oeuvre de la raison ?
On s'interrogera en seconde partie sur la légitimité qu'il y a à se reposer sur ses sens pour agir.
Le critère des sens, c'est le plaisir. Puis-je m'en remettre, pour agir, au seul critère de ce qui plaît ou déplaît ?
Nous généraliserons la réfléxion dans une dernière partie, où nous interrogerons la dévalorisation des sens par la métaphysique, et sa signification.
A quelles conditions philosophiques pourrait-on, enfin, faire confiance à ses sens ?


IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE

La défiance à l'égard des sens a d'abord une signification théorique.
C'est chez PLATON que l'on trouve l'entreprise philosophique la plus systématique de dévalorisation des sens.
La critique platonicienne suppose qu'il existe une réalité en-soi, et que nos sens ne nous en font parvenir qu'un pâle reflet, divers et changeant.
C'est donc d'abord la valeur des sens dans la connaissance qui est disputée. Nos sens nous font immédiatement connaître des choses. Il fallait ici réfléchir sur la manière dont se constituent les sciences :
Sont elles un approfondissement de la connaissance sensible, ou se font elles contre la connaissance sensible ?
Les philosophes empiristes, comme HUME penchent vers le premier terme de l'alternative.
Les sens sont le seul moyen de connaître et la rationalisation scientifique prolonge la connaissance sensible.
Le rationalisme affirme au contraire, soit que la raison seule est impliquée dans une science : elle seule, en effet, nous fait connaître l'universel, objet des sciences selon ARISTOTE.
Soit selon une version plus contemporaine comme chez BACHELARD, que la connaissance scientifique exige une rupture avec la connaissance sensible quotidienne.
Nous retrouvons l'opposition de la raison et des sens dans le domaine moral. Puis-je m'en remettre à ma sensibilité quand il s'agit d'agir et de vivre ?
Là encore, les rationalistes mettent en cause la capacité des sens à fournir un critère universel de la bonne action.
Ils soulignent aussi que le critère de la bonne action doit être permanent, et que nos sens entendus ici comme l'équivalent de la sensibilité en général, sont trop sensibles aux variations du plaisir, de l'intérêt, ou de l'humeur, pour être ce critère.
Les empiristes répondent là encore que nos sens sont la source de toutes nos idées morales, et qu'on ne peut donner du bien un autre critère que ce qui plaît d'une certaine manière.
Celà ne revient pas à dire, et EPICURE le montre bien, que nos sens doivent déterminer nos actes, dans l'irréflexion et sous l'emprise immédiate du plaisir. Si le bien est toujours agréable, inversement, toute chose agréable n'est pas à rechercher.
EPICURE, ni personne d'autre, n'ont dit que la confiance dans les sens devait être aveugle.
On pouvait en dernière partie s'interroger de manière plus approfondie sur les présupposés de la question, notamment l'opposition de la raison et des sens.
Pourquoi dévaloriser les sens, comme moyen de l'action bonne et de la connaissance vraie sinon parce que les philosophes comme PLATON, voire, depuis PLATON, s'adossent à une représentation qui oppose un monde vrai à un monde apparent, et finalement, l'être et l'apparaître ?
Nul mieux que NIETZSCHE n'a combattu cette représentation. Il met au compte d'une dépréciation de la vie le mépris dans lequel ont été tenus les sens, et réhabilite ces derniers au prix du dépassement de la métaphysique , et de l'opposition métaphysique de l'être et de l'apparaître.
Celui qui a suffisamment de force pour non seulement vivre, mais dire oui à la vie, celui-là fait confiance à ses sens.


V - REFERENCES

- PLATON, la REPUBLIQUE , livres 5-6-7.
- ARISTOTE, premier et second analytiques.METAPHYSIQUE.
- EPICURE, Lettre à MENECEE.
- KANT, Critique de la raison pure. Fondements de la métaphysique des moeurs.
- HUME, Traité de la nature humaine.
- NIETZSCHE, Le gai savoir. Aurore. Le crépuscule des idoles, etc.
- BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique


VI - LES FAUSSES PISTES

Attention à la polysémie du mot sens : il s'agissait de réfléchir sur les sens, la sensibilité et la sensation. Et il fallait se garder de partir sur des pistes plus vagues, telles que : Puis-je faire confiance à mon intuition, à mon "sixième sens", etc. ?
Il fallait éviter de traîter le sujet sur le terrain psychologique ou parapsychologique.


VII - LE POINT DU VUE DU CORRECTEUR

Sujet classique, qui pouvait faire porter l'examen du candidat sur des parties diverses du programme.



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