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Philosophie
Sujets du Bac corrigés: Dissertation
Peut on être plus ou moins libre?

I - LES TERMES DU SUJET

Le sujet met en rapport la notion de liberté et celle de degré (plus ou moins). On a parfois tendance, en effet, à raisonner dans ce domaine en termes de tout ou rien et à présenter la question de la liberté sous forme d'une alternative. Ici la question sera plutôt de savoir, si on admet effectivement des degrés de liberté, ce qui détermine ces degrés.

II - ANALYSE DU PROBLEME

Il semble que la notion de "degré de liberté" soit à mettre en rapport avec l'idée selon laquelle la liberté serait le résultat d'un travail -individuel ou collectif- de LIBERATION.
Ce travail pourrait être inégalement abouti. Peut-être, du reste, ne peut-il être totalement achevé. D'où l'idée que la liberté peut être vue comme une AUGMENTATION DE CONSCIENCE.
Reste alors à savoir de quoi on se libère : des préjugés ? des passions ? des déterminations sociales ?


III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION

On a tendance à voir la liberté comme quelque chose que le sujet possède ou non, à la façon dont on peut dire que l'homme possède la raison. Mais "possède"-t-on la liberté comme on possède une faculté ?
D'autre part, envisagée de cette façon, la liberté peut être plus ou moins entravée : même si on admet que tout le monde la possède en principe, son exercice peut être entravé en fait. Mais en ce cas, c'est moins la liberté qui a des degrés que son exercice.
C'est pourquoi, pour donner sa pleine signification au sujet, il convient d'envisager l'idée selon laquelle il n'y a pas à proprement parler de liberté conçue comme un trait d'essence mais une libération par rapport à ce qui nous détermine. Il faut alors s'interroger sur les instruments qui peuvent nous permettre de gagner en conscience et en degré de liberté. Ceci ouvre alors au sujet une perspective non seulement sociologique ou psychologique mais surtout POLITIQUE.


IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE

A - COMMENT LA NOTION DE LIBERTE PEUT-ELLE S'ACCOMMODER DE CELLE DE DEGRE ?

On a tendance à considérer la liberté comme un trait que les êtres possèdent ou non. le sentiment de notre propre liberté ne s'accommode pas de degrés (même si ce sentiment peut connaître des intensités différentes) : nous avons éventuellement le sentiment d'être libre mais pas d'être plus ou moins libre. par conséquent, on ne trouve pas spontanément à quoi rattacher la notion de degré.

B - Cependant, il est peut-être trompeur de voir dans la liberté une propriété (qu'on a ou non).

D'autre part, le témoignage introspectif est trompeur. Il nous renseigne sur l'existence de certains phénomènes psychiques mais non pas sur leur nature : ainsi le témoignage subjectif ne peut nous renseigner sur la question de savoir s'il est de notre nature d'être libre. Enfin, même si on arrive à établir que nous sommes libres, rien n'empêche de considérer que cette liberté est entravée (passion etc.). Au minimum, il nous faut donc considérer que l'usage de notre liberté est susceptible de degré, selon le degré de contrôle rationnel que nous exerçons sur nos actes.
C - Ceci conduit déjà de la liberté à la libération.
Le sujet rationnel exerce son libre pouvoir de représentation pour résister aux passions (Descartes). Il actualise ainsi une liberté qu'il possède par essence. Mais si on renonce au dualisme de l'âme et du corps, force est de reconnaître qu'il n'existe pas de liberté, mais seulement des degrés de liberté qui sont le résultat d'un travail de libération. Ce travail ne porte pas seulement sur les passions, mais aussi sur toutes les déterminations sociales. Comme l'observe Bourdieu, nous ne sommes pas des sujets mais seulement des agents qui construisent le monde à l'aide de catégories qu'ils n'ont pas construites. En exhibant ces catégories, ces principes, on libère l'agent jusqu'à un certain point de son enracinement social et d'un certain nombre de schémas de connaissance et d'action qui nous amènent à accepter le monde tel qu'il est.
La liberté apparaît donc comme une libération, laquelle passe par une "augmentation de conscience" (Leibniz). On peut donc, en ce sens, être plus ou moins libre et, mieux, il n'y a pas d'alternative à ce plus ou moins.


V - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES

DESCARTES : Les passions de l'âme
LEIBNIZ : De l'origine radicale des choses
P. BOURDIEU : Raisons pratiques La connaissance des déterminations sociales qui pèsent sur nos schémas de pensée et d'action permet de nous en libérer. Certaines choses nous déterminent car elles sont méconnues de nous. Portées à notre conscience, ces choses contribuent à nous en libérer. C'est le rôle de ce que Bourdieu nomme la socio-analyse. Cette référence permet de voir l'aspect politique du sujet.


VI - LES FAUSSES PISTES :

Eviter de traiter de manière vague l'expression "plus ou moins" qui est dejà vague en elle-même.

VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR :

Ce sujet met en jeu des thèmes classiques de votre programme, la liberté, la conscience, mais abordés à partir d'une question apparemment vague. Il faut donc éviter de se laisser porter par le vague de l'expression. La difficulté principale est de passer à la notion de degré, à l'opposition degré/nature etc.



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