Philosophie
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Sujets de Bac corrigés: Commentaire de texte
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Texte de Kant
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Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
Relativement au bonheur, aucun principe universellement valable ne peut être donné pour loi.
Car aussi bien les circonstances que l'illusion pleine de contradictions et en outre sans cesse changeante où l'individu place son bonheur (personne ne peut lui prescrire où il doit le placer) font que tout principe ferme est impossible et en lui-même impropre à fonder une législation.
La proposition : Salus publica suprema civitatis lex est (1) garde intacte sa valeur et son autorité, mais le salut public qu'il faut d'abord prendre en considération est précisément cette constitution légale qui garantit la liberté de chacun par des lois ; en quoi il demeure loisible à chacun de rechercher son bonheur dans la voie qui lui paraît la meilleure, pourvu seulement qu'il ne porte aucune atteinte à la liberté légale générale, par conséquent au droit des autres co-sujets.
KANT
Le salut public est la loi suprême de l'Etat.
I - LES TERMES DU SUJET
Le texte est suffisamment court et simple pour ne pas prêter à confusion. KANT marque la séparation nette entre les sphères privée et publique au regard du bonheur. Le texte est une amplification et une explication de la première phrase : "Relativement au bonheur, aucun principe universellement valable ne peut être donné pour loi."
II - ANALYSE DU PROBLEME
Il convient donc de s'interroger sur les notions de principe (à la fois commencement et commandement) de loi et d'universalité. Si aucune prescription ne s'impose en matière de bonheur, comment articuler le bonheur individuel à la liberté politique garantie par les lois ?
III - GRANDES LIGNES DE LA REFLEXION
Il s'agit donc de rendre raison d'un texte qui explicite une première phrase posée, voire frappée comme une maxime. Le texte propose d'abord une détermination du bonheur comme illusoire et variable. En un second moment, cette détermination est articulée à la politique, par le biais de la notion de salut public. Mais cette notion ne saurait en aucun cas être transplantée hors de son domaine propre, celui de garantie de la liberté par les lois. Dès lors on aboutit à une claire séparation des domaines : d'un côté, la recherche individuelle du bonheur ; de l'autre, la liberté légale générale.
IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - LE BONHEUR N'EST PAS UN CONCEPT UNIVERSALISABLE
1 - Le bonheur, un idéal de l'imagination
Le texte est construit comme l'explication d'une maxime initiale. Il correspond au regard du bonheur à une conception remarquablement constante chez KANT : le bonheur n'est pas un concept universalisable. Sur le plan de la politique, il poursuit la réflexion de ROUSSEAU pour qui "un peuple libre obéit, il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois." La première phrase du texte, qui sépare radicalement le bonheur de la sphère législatrice, montre qu'il n'y a pas d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux. Chez KANT, le bonheur est en effet un idéal, non de la raison, mais de l'imagination. La seconde phrase du texte confirme ce postulat puisque la recherche du bonheur est rattachée à l'illusion caractérisée à la fois comme contradictoire et changeante. D'où l'impossibilité d'y asseoir tout principe qui exige, par définition, la stabilité.
2 - Bonheur et politique
En un second temps est présentée l'articulation avec la sphère politique à travers la notion de salut public. Mais cette articulation vise en fait une réelle et définitive séparation des domaines. Le salut public "garantit la liberté de chacun par des lois". Il constitue de ce fait un véritable principe. Par ce simple fait, il est d'emblée séparé (formellement) du bonheur. Mais, en outre, il est ce par quoi une éventuelle quête du bonheur est possible. Il garantit sa possibilité, mais n'intervient jamais à aucun stade dans sa réalisation. Voilà pourquoi, détaché de la raison et renvoyé à la sphère de l'imagination, le bonheur, qui n'est pas un concept universalisable, est laissé à la libre conduite de l'individu. Sa seule "limite" est précisément ce qui le définit privativement : il ne doit pas interférer avec la liberté de chacun, celle-là même qui est garantie par la loi.
B - L'ENJEU DE CETTE REFLEXION
KANT marque ainsi sa défiance devant toute dérive éventuelle du législatif, mais il définit surtout avec une remarquable netteté les attributs uniquement empiriques attachés au bonheur.
V - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES
- KANT : Fondements de la métaphysique des moeurs - ROUSSEAU : Lettres écrites sur la montagne
VI - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR
Il s'agissait de rester au plus près du texte en utilisant ses connaissances sur deux notions : le bonheur et la liberté. Le texte était intéressant parce qu'il permettait de mener à bien une réflexion personnelle en remettant en cause (et en ordre) certains préjugés concernant l'articulation (et la séparation) des domaines du bonheur et de la liberté.
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